Je l’avoue d’entrée de jeu, Brigitte Boisjoli ne figure pas sur la liste de mes chanteuses favorites. J’éprouve de la difficulté à apprécier son timbre de voix, sa prononciation et son langage parfois puéril. Je tiens toutefois à préciser que je ne cherche nullement à déprécier tant la chanteuse que ses nombreux fans, et que ce texte n’engage que moi.
Ceci étant dit, celle qui est présentement en nomination pour le titre d’«interprète féminine de l’année» à l’adisq a tout mis en œuvre pour faire de son spectacle Sans regret un événement grandiose. Six musiciens-choristes de grand talent l’accompagnent et un soin minutieux a été apporté aux jeux d’éclairage variés et parfaitement peaufinés. J’ai été ravie de voir entrer sur scène une jeune femme maintenant beaucoup plus féminine, moderne et assurée.
Dès ses premières interactions avec le public, j’ai ressenti son réel plaisir à se retrouver sur scène. Elle y est à l’aise comme un poisson dans l’eau, elle est sympathique, naturelle et drôle. Tous les éléments semblent donc réunis pour passer un vrai bon moment. Ce soir-là, ce sont d’abord ses nouvelles chansons, tirées de son deuxième album, que la dynamique chanteuse choisit de nous interpréter. Je ne connais pas ce nouveau répertoire et, comme je n’entends pas bien les paroles, je me lasse rapidement. À partir du troisième extrait, j’ai l’impression de revoir toujours le même numéro. Elle y met pourtant tout son cœur. Elle occupe toute la scène, elle danse bien et, malgré l’effort physique, sa voix demeure juste et puissante. Mais la performance des musiciens et les effets de lumière me captivent davantage et retiennent vite toute mon attention. Toujours selon moi, la notoriété actuelle de la chanteuse, malgré toute la passion et l’énergie investies, ne justifie pas encore un déploiement scénique d’une telle envergure.
Heureusement, des pièces plus solides viennent graduellement se greffer aux premières. Ainsi, j’ai beaucoup apprécié l’interprétation pleine d’intensité qu’elle a livrée de quelques succès de la chanteuse country Patsy Cline, dont Crazy. Elle exécute également avec brio des pièces comme Jolene de Dolly Parten ou Addicted to you de Avicii. Puis, moment fort de la soirée, Brigitte Boisjoli nous livre une petite part de son intimité en interprétant la ballade La Ballerine, magnifique cadeau de l’auteure-compositrice-interprète Ingrid St-Pierre. Il va sans dire que l’auditoire est ravi dès qu’il reconnaît les premières notes de ses succès Sans regret, Mes jambes à ton cou dont transparaît le style original d’Alex Nevsky et, en rappel, Fruits défendus, tiré de son premier album.
MATHIEU LIPPÉ (en première partie)
Je décerne sans conteste mon coup de cœur de la soirée à Mathieu Lippé qui assure la première partie du spectacle de Brigitte Boisjoli. Ce dernier a d’ailleurs étroitement collaboré au deuxième album de la chanteuse. Jusqu’au moment de monter sur scène, bien que déjà récipiendaire de nombreux prix, il demeure pour moi un illustre inconnu. Mais ô surprise! J’aime beaucoup découvrir des artistes qui évoluent en dehors des sentiers battus et Mathieu Lippé est assurément du nombre. Le présenter comme auteur-compositeur-interprète revient à limiter le large éventail de ses talents. Comme spectateurs, nous avons plutôt eu rendez-vous ce soir-là avec un performeur éclectique qui a su nous charmer et retenir notre attention jusqu’à la toute fin de sa prestation.
D’emblée, il établit le contact avec l’auditoire avec une gaieté simple, communicative et une touche d’humour et le public, conquis, prêt pour la découverte, accepte de le suivre dans son périple.
Il me rappelle parfois Fred Pellerin, un des meilleurs conteurs du Québec, parfois Sol, le clown clochard de Marc Favreau. Ils ont en commun une aisance à raconter et des textes à la fois naïfs, humoristiques et poétiques. La poésie de Mathieu Lippé, est urbaine et empreinte d’humanisme. Elle parle de la vie et de la mort, du temps qui passe, du chemin qui nous mène à l’autre, et d’unité dans la diversité. Elle se veut le fil qui relie chacun de ses textes tantôt chantés, tantôt contés ou «slamés». Un mariage plus qu’heureux!
Hélène Ferland pour le Centre culturel de Joliette